Note: Sartre et de Beauvoir

J'adore cette adoration sur Simone de Beauvoir qui serait la femme dominatrice émancipée d'un Sartre médiocre quand tu sais que c'est lui qui la pousse à écrire Le Deuxième Sexe parce qu'elle voulait soutenir sa philosophie existentialiste, qu'elle le soutien jusqu'au bout alors qu'il était un parfait salop, la réalité est plus nuancée et on retrouve, en germes, dans Les Mandarins, l'idée qu'on peut dévoiler la vie privée de quelqu'un sans problème (ici Camus notamment, pas mal blessé par les révélations qu'il y avait dedans) et la fameuse relation polygame Sartre-de Beauvoir, bah elle provient de Sartre qui l'impose à Simone, hein, tout au long de sa vie…

Des détails comme ça, il y en a des tas. Sartre était pas le génie qu'on pense, aujourd'hui il ferait partie des porcs.

Mais la figure d'un Sartre écrasé par de Beauvoir, figure libre d'une femme émancipée, elle relève du mythe. Un mythe qu'elle même a eu la volonté de construire, alors même qu'elle servit de rabatteuse de lycéennes vers les draps du « salop » au strabisme.

Pierre Joseph Proudhon, Du Principe Fédératif (1863) - Panarchy

« Fédération de communes libres ».

Oui, Chouard, nous sommes d'accord, mais t'es pas obligé de pomper du Proudhon sans le citer pour expliquer en quoi ta conception du fédéralisme anarchiste est différente de l'Union européenne…

Je retire ce que j'ai dit, tu le cites deux minutes plus loin 😶

« Il faut lire Rousseau et Proudhon, quoi ».

Sauf que justement Proudhon montre dans le texte même que tu cites en quoi le Contrat social de Rousseau doit être abandonné, qu'il fut un progrès mais amène inévitablement à une tyrannie. C'est une fiction instaurant un mythe.

Donc ouais, lisez Rousseau, pour comprendre en quoi il ne faut pas appliquer ce qu'il écrit. Lisez Proudhon plutôt. Proudhon over Marx.

Nocline 🌬🍂• La Bombe Humaine♅✨• (@Nervia_Nocline): "L'inconvénient surtout en philo de travailler avec un texte traduit c'est de ne pas avoir des composantes de sens, seulement la traduction admise. Il est difficile de dire sur certains passages qu'on a une traduction exacte et fidèle. L'intraduisible littéral sera perdu." / Twitter

@Nervia_Nocline Effectivement, et l'un des problèmes en philo vient des traducteur·euses qui n'ont pas nécessairement les éléments philosophiques pour appuyer leurs traductions.

Un exemple chez Kant est le couple « Lust/Unlust », qui est traduit par « plaisir/déplaisir » alors qu'il le tient de Christian Wolff, qui l'a traduit en allemand depuis Spinoza en latin « lætitia/tristitiam » (joie/tristesse). Et pourquoi on sait ça ? Parce que Spinoza fait la distinction « affectio/affectus », présente telle quelle chez Kant, et qu'on sait que Kant a lu Wolff, et que Wolff était le traducteur en allemand de la philosophie en latin. Une traduction qui donne Lust=plaisir, non seulement ça passe à côté de ça complètement (donc perte d'analyse historique sur les influences), mais ça fait qu'on pourrait penser que Kant parle d'un plaisir du corps, alors qu'il s'agit plus d'une augmentation du sentiment vital (donc perte de sens voire origine de contresens).

Blouchtika (@Blouchtika): "Il est bien connu qu'en physique, les étudiants lisent les articles d'Einstein dans le texte original en allemand." / Twitter

Sauf que ce n'est pas comparable. Lorsque la plupart des traductions offrent des contresens (cas de Kant où la traduction de « faculté de juger » a mené Derrida à voir une aporie inexistante dans le texte original), qu'on base une métaphysique sur un jeu du langage (Heidegger 😒) ou que l'on se sert de traductions qui obscurcissent le texte du Parménide de Platon parce qu'on ne l'a pas compris (Brisson nous te voyons), bah ça change beaucoup de pouvoir lire le texte dans sa version originale.

Et c'est tout ce que dit le tweet : oui tu peux faire de la philo sans grec ni latin ni allemand, mais il y a bien un avantage à connaître ces trois langues suffisamment pour ne pas voir des contradictions là où il n'y en a pas. Ça semble élitiste de le dire, je sais, mais c'est plus compliqué d'arriver à un bon niveau sans ces langues. Je n'en maitrise aucune, et je galère.

Note

Faut arrêter avec Derrida, les gens.

Derrida est à la philo ce que Lacan est à la psychanalyse : on a l'impression que c'est une tête et qu'il faut s'appuyer sur son boulot, mais quand tu y regardes de plus près c'est mort.

Je sens venir les flots de littéraires venus me dire que j'ai tort, que c'est parce que je comprends rien. Je vous laisse faire mumuse avec les phénoménologues.

Note

Sinon j'ai craqué j'ai pris pour 50 balles de bouquins à la librairie place du Monstre, on a un peu parlé de René Girard et de la place de Bataille dans la philosophie française universitaire avec le monsieur, c'était sympa.

Il ne me manque les Réflexions sur la violence de Sorel (pas Soral, hein, même si les deux n'aiment pas les juifs), un des introducteurs de Marx en France et lanceur du syndicalisme révolutionnaire, penseur de la grève générale… En tant que proche des idées de Lecoin, ça ne peut que me parler.

Note

Premier cours de philo politique sur la violence par un prof chilien, ça parle de Walter Benjamin et de son pote Bataille, des anarchistes, de l'échec du processus révolutionnaire, de la violence mythique inspirée des grecs, de Sorel, de la grève générale, des post-modernes…

Je sens que je vais m'éclater, et il y a tellement de contenu que je peux facilement citer mes potes qui seront intéressé·es :)

What is Postmodernism? - YouTube

Alors. Cette vidéo est tellement intéressante pour @NocGrizzly que j'ai envie de la traduire vite fait. En plus il y a du Chomsky dedans et on sait tous que pour moi Chomsky c'est bae.

Qu'est-ce que le postmodernisme ?

Définition rapide : c'est une méthode philosophique, un point de vue sur le monde. En lui-même c'est inoffensif, c'est presque une expérience de pensée. C'est historiquement intéressant, et sa place en politique, en culture et dans l'éducation est assez importante de nos jours.

C'est un mouvement né en réponse au modernisme.

Qu'est-ce que le modernisme ?

[on va passer la leçon d'histoire, mais grosso modo l'évolution philosophique nous a amené aux Lumières qui nous ont offert quelques concepts modernes comme :]

[s'ensuit la période industrielle, pour arriver aux penseurs rationnels rejetant les trucs qui ne peuvent être prouvés comme le spiritualisme, les religions, et accepter des concepts prouvables comme la méthode scientifique. C'est vraiment là que « Dieu est mort » comme le disait Nietzsche : ne croire que ce que l'on peut prouver. L'identité ne se fait plus sur la religion mais sur des concepts comme le patriotisme, le capitalisme, le fascisme… Alors bien sûr on voit bien plus ça comme un mouvement culturel et artistique (Beckett étant considéré comme l'un des derniers modernistes), mais le courant philosophique sous-tendant ce mouvement est présent. On pense par exemple aux penseurs analytiques comme Russell… Bref tout allait bien les technologies allaient bon train, la science progressait et tout… jusqu'à ce qu'on se retrouve avec la bombe atomique, des guerres mondiales, bref on commence à se dire que le progrès bah ça fait un peu peur en fait. Les mêmes institutions et concepts qui nous faisaient progresser, on s'est rendu compte qu'elles pouvaient tout aussi bien nous détruire.]

C'est là qu'arrive le postmodernisme, principalement fin des années 60. Le postmodernisme ne remplace pas le modernisme, les deux co-existent de nos jours. Le postmodernisme ne rejette pas tout, mais il remet en question absolument tout (d'où des philosophes comme Derrida qui ont fait de la déconstruction leur méthode phare). Et quand on dit absolument tout, ça ne se limite pas aux apports du modernisme. On parle de TOUT à partir du moment où les concepts de vérité et de logique ont été formulés. C'est là qu'on se retrouve avec des arguments comme : « La science dans son ensemble est un produit de la modernité occidentale et doit être détruite comme telle. »

Il n'y a plus de valeurs universelles, plus de morale commune, plus d'idéaux. Les gens se retrouvent maintenant devant une infinité de choix quant à leurs valeurs morales, quant à leur système de logique, quant à leur méthode d'accès à la vérité, quant à leur identité. Démerdez-vous vous-même pour trouver un sens à votre vie.

Le mouvement philosophique sous-jacent est quasiment impossible à définir, parce qu'on se retrouve avec des auteurices qui ont des visions radicalement différentes (Derrida vs Jameson). Ça déconstruit tout jusqu'à ce que ça meurt, et ça regarde ça mourir. Le plus frappant est vraiment Derrida du coup. Dans le domaine artistique ça donne de bons trucs ; d'ailleurs la culture contemporaine est largement influencée par le postmodernisme et c'est cool.

Maintenant on passe à la question qui brûle les lèvres, puisqu'on sait que le postmodernisme est là pour rester.

Qu'est-ce qui ne va pas avec le postmodernisme ?

Le postmodernisme remet en question les traditions, les conventions, et ça inclut les concepts venus des Lumières.

Dans les milieux universitaires (particulièrement en sciences sociales, dans les humanités en général), il semble y avoir une mode qui consiste à rejeter la logique scientifique comme méthode d'étude des objets. On lui oppose une lecture postmoderne : on cherche à donner NOTRE compréhension de l'objet, sans empirisme. On se retrouve avec NOTRE PROPRE version de la vérité prise avec NOTRE PROPRE version de la logique en rejetant des idées comme la « vérité universelle » ou « les absolus ».

Il y a donc maintenant un énorme fossé entre les deux camps modernistes/postmodernistes, ils ne peuvent plus communiquer. C'est comme si les deux parlaient deux langages différents, et c'est d'ailleurs le cas. Ça rend tout débat très difficile. Comment arriver à une conclusion partagée si les deux camps utilisent des logiques différentes ?

Tous ces objets qui sont dit être des « constructions sociales » sont des concepts postmodernistes qui ne peuvent pas être prouvés en dehors du postmodernisme. Un esprit logique, scientifique et empirique guidé par la raison n'arrivent pas à les assimiler.

Ce nouveau langage est impossible à comprendre si l'on n'y est pas initié.

{Passage Chomsky dont je poste ici la vidéo en intégral : https://www.youtube.com/watch?v=OjQA0e0UYzI Je vais même faire une tentative de trad.}

« Si vous regardez le phénomène dans son ensemble, ses effets ont été de permettre aux gens de prendre une position radicale sur des sujets en étant totalement dissociés de ce qu'il se passait, et ce pour plusieurs raisons. Une des raisons c'est que personne ne pouvait comprendre ce qu'ils disaient. C'est comme un langage privé, et il y a un tas de récompenses matérielles qui viennent de celui-ci. Si vous faites partie de ce système vous pouvez faire des conférences, avoir de bonnes chaires, etc. »

(on rappelle que Chomsky est linguiste à la base, hein, donc quand il dit que c'est un « private linguo » [quasi une gnose], j'ai tendance à le croire)

Or, il se trouve que ces concepts passent de temps à autre du cercle universitaire aux grands médias, sans plus d'explications, qui les utilise comme putaclic.

En dehors des personnes qui étudient réellement ces questions, l'usage de ces termes et concepts est incompréhensible par les gens du commun. On rigole même pas, ce sont vraiment deux langages différents. Si vous avez déjà débattu avec un·e SJW, vous avez pu ressentir que quoi que vous disiez iel ne semblait vraiment pas comprendre ? Bah iel pense sans doute la même chose à propos de vous.

Les postmodernistes remplacent les faits et les preuves avec de la narration. Les données prouvent ou réfutent une narration. Contre un·e moderniste, iels voit ça comme leur narration contre sa narration (exemple perso : quand on vient me dire qu'on ne « croit pas en la science ». Donc c'est cool, on choisit à la carte ce en quoi on croit et voilà tu peux pas réfuter quoi que ce soit parce qu'on a des croyances différentes…). Ça a créé des étudiant·es qui ont un état d'esprit totalement différent.

Conclusion

Le postmodernisme n'est pas entièrement mauvais, ça a donné des trucs géniaux. C'est un médium, une toile.

C'est la façon dont une personne utilise cette toile qui définit l'intellectuel.