Note

J'adore le site de l'Unedic. Genre vraiment, il me fait marrer. Cette page en particulier : https://www.unedic.org/a-propos/comprendre-le-financement-de-lassurance-chomage

La pédagogie employée est exemplaire. On y « apprend » que l'Assurance chômage ne finance pas que les cotisations, mais également les retraites et Pôle emploi :

S'ensuit un petit diagramme tout mignon tout plein. Regardez, il y a bien un déficit ! 37,8 milliards de recettes pour 40,8 milliards de recettes, il y a un problème, non ?

Notez que ça date de juin 2019.

Alors d'où vient le déficit ? C'est justement le paragraphe suivant :

Ah là là c'est la faute à pas de chance c'est la conjoncture économique ma p'tite dame, et pis les « partenaires sociaux » font tout pour les pauvres salariés et PME…

D'ailleurs c'est à partir de 2009 que ça a commencé à être déficitaire, crise économique tout ça…

« Cette gestion, inscrite sur le moyen terme, a pour conséquence depuis 2009 un déficit annuel et une dette croissante, après 3 années d'excédents entre 2006 et 2008. »

Alors moi regardez je suis un peu magicien, je propose de rendre l'Assurance chômage excédentaire again. Il suffit d'une chose : supprimer Pôle emploi, ou ne pas faire peser son budget sur celui de l'Assurance chômage. Regardez c'est magique : Pôle emploi est financé à 3,4 milliards. 40,8 - 3,4 = 37,4 milliards ! Il nous reste même 400 millions à mettre de côté dans une caisse en cas de coup dur comme… je sais pas moi… une suppression des cotisations salariales par exemple. Parce que c'est bien beau de blâmer la crise économique de 2008, dont le krach date de l'automne, mais dix ans après ?

La création de Pôle emploi ? 20 décembre 2008.

« Pôle emploi… créé le 20 décembre 2008 »

Mais ce doit être un hasard du calendrier, simple coïncidence, qu'un truc qu'on ajoute au budget sans augmenter les cotisations rende le budget déficitaire dix années de suite. Et l'Unedic de se montrer confiante dans un excédent prévu en 2021 grâce à… la transformation du CICE en baisse de cotisations. Faut vraiment pas trembler des genoux pour la sortir celle-là (https://www.lefigaro.fr/flash-eco/retour-dans-le-vert-des-comptes-de-l-unedic-retarde-a-2021-20190326).

(On rappelle au passage que les cotisations patronales font partie des salaires, le prix qu'un patron doit payer pour user d'une force de travail… Le CICE sous cette forme est ainsi un vol sur les salaires, mais apparemment ça ne choque personne.)

M'enfin, ça n'étonnera plus personne vu que l'Unedic est noyautée par le patronat. Le dernier président de l'Unedic qui ne soit ni Medef ni CFDT remonte… à 1990. Juste trente ans qu'on nous fait croire à une démocratie, que c'est paritaire, etc.

Donc retour sur la fusion ANPE-Assedic qui a créé Pôle emploi.

11 janvier 2007. Le bureau de l’Unédic, à l'unanimité, « exclut toute fusion avec l'ANPE » demandée par Jean-Louis Borloo (mais annoncée par Jacques Chirac, à l'origine de l'ANPE). https://www.nouvelobs.com/societe/social/20070111.OBS6619/l-unedic-excluttoute-fusion-avec-l-anpe.html

Son directeur général, Jean-Pierre Revoil, non-partisan, démissionne le 6 février (https://www.actuchomage.org/200702072505/Social-economie-et-politique/Jean-Pierre-Revoil-quitte-l-Unedic.html).

C'est Jean-Luc Bérard qui est poussé par le Medef à prendre la place. « L'homme lige du Medef » comme on l'appelle.

Ce qui permet à un Nicolas Sarkozy tout juste élu d'annoncer la fusion tant convoitée.

La réforme est mise en œuvre dans l'année 2008, actée par une loi de février 2008. Qui dirigera ? On murmure le nom de Muriel Pénicaud (!), mais ce sera Christian Charpy, ex-directeur de l'ANPE. Qui empochera une augmentation de 45 000 € annuels de sa rémunération au passage (https://www.lemonde.fr/societe/article/2008/01/08/assedic-anpe-une-laborieuse-fusion_996977_3224.html).

On savait de longue date que ce charmant directeur arrosait ses subordonnés les plus hauts placés. Si vous avez déjà joué à Crusader Kings 2, vous savez ce que ça signifie (https://www.liberation.fr/futurs/2009/01/07/45000-euros-annuels-d-augmentation-pour-le-directeur-de-pole-emploi_300817).

Je ne suis pas en train de dire que c'était délibéré, mais la volonté d'assurer un budget stable malgré la fusion semble peu présente lorsque l'on nomme un directeur quelque peu dépensier (+ 18 % de salaire par agent entre 2009 et 2011, par exemple). Il sera remplacé en 2011 par Jean Bassères, un ancien chef de l'Inspection général des Finances. Cela ne l'empêchera pas d'être épinglé en 2015 par la Cour des comptes (https://www.challenges.fr/challenges-soir/la-cour-des-comptes-pointe-la-gestion-de-pole-emploi_76728).

En tout, entre 2009 et 2014, on voit une augmentation de 33 % des coûts de personnels et de 11 % des charges d'exploitation, principalement prise sur l'Assurance chômage.

Le rapport est là : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20150702-rapport-Pole-emploi.pdf

(On note au passage que la CC a fait une coquille qui sera reprise telle quelle dans les différents médias : c'est une augmentation de 158 %…)

Si on résume ce rapport : Pôle emploi coûte une blinde, n'est pas efficace dans la majorité des cas. Ces coûts sont portés sur de l'accompagnement d'une minorité, qui n'obtient pas de meilleurs résultats que la majorité. La Cour des Comptes note ainsi le peu d'efficacité de Pôle emploi dans sa mission première. Autres morceaux choisis.

Donc Pôle emploi plombe le budget de l'Assurance chômage pour un résultat qui pourrait être obtenu avec un simple site internet type Indeed. Je schématise beaucoup, mais l'idée est là. Voilà ce que dit en substance la Cour des Comptes.

Public Sénat (@publicsenat): ""La retraite n'est pas faite pour payer des loisirs à partir d'un certain âge" estime @BasPhilippe . "Elle…" / Twitter

« C'est une équation mathématique ! »

Alors @BasPhilippe il faudra nous expliquer ce qu'est une équation non mathématique et en quoi être mathématique prouve quoi que ce soit. Monsieur le sénateur, je vais vous montrer une équation mathématique.

Ceci est ce que j'ai retenu de mes années de lycée il y a plus de 10 ans. Vous étiez alors ministre des Affaires Sociales.

Cette équation devrait vous être familière. Elle permet de calculer un résultat de x après une croissance y maintenue pendant n années.

Passons à une démonstration mathématique.

Je m’appuierai sur le rapport de la DREES « Les retraités et les retraites » de 2018 portant sur les chiffres de 2016. Si vous en avez de plus récents, nous sommes tous preneurs. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/retraites_2018.pdf

Nous avons donc en 2016 :

  • 16,1 millions de retraités ;
  • en augmentation chaque année d'environ 150 000 (soyons généreux allons jusqu'à 200 000) ;
  • qui se répartissent 308 milliards d'euros ;
  • soit 13,8 % d'un PIB de 2 228 milliards d'euros ;
  • soit 19 130 € par retraité.

Comme en France nous aimons nous projeter sur 30 ans, je vous propose de calculer la situation en 2050.

Comment le système des retraites devra faire face aux 34 × 200 000 = 6,8 millions nouveaux retraités ?

Comme la revalorisation des retraites se fait au petit bonheur la chance selon les besoins de trésorerie (gel en 2016, 0,1 % en 2015, 0,8 % en 2017), nous prendrons le taux fixé pour 2019 et 2020 de 0,3 %.

C'est là que notre équation entre en jeu. Alors, je n'ai plus les sources en tête, mais les prévisions de croissance jusqu'en 2050 étaient entre 1,6 et 1,7 % aux dernières nouvelles. Admettons un catastrophique 1,5 % sur toute la période. Reprenons notre équation pour calculer le PIB de 2050 :

2 228 × (1 + 0,015)^34 = 3 696 milliards d'euros

Il faudrait donc, en 2050 et par retraité :

19 130 × (1 + 0,003)^34 = 21 181 €

Le total pour 16,1 + 6,8 = 22,9 millions de retraités est donc de 21 181 × 22,9 = 485 milliards d'euros.

Cela paraît beaucoup, mais voici l'astuce : pendant ce temps, le PIB augmente aussi. Oh là là, les retraites pesaient 13,8 % au départ, elles pèsent 13,1 % à l'arrivée malgré les revalorisations et les quelques 7 millions de retraités supplémentaires ! Vite, il faut réformer, les retraites pèseront beaucoup trop sur notre économie dans 30 ans !

Nous avons donc en 2050 :

  • 22,9 millions de retraités ;
  • qui se répartissent 485 milliards d'euros ;
  • soit 13,1 % d'un PIB de 3 696 milliards d'euros ;
  • soit 21 181 € par retraité.

Mais vous savez aussi que depuis votre sortie de fonction les revalorisations sont en-deça de l'inflation. Autrement dit, admettre cela, c'est également admettre la baisse du niveau de vie des retraités orchestrée par l'État.

Voilà, Monsieur, je viens de vous démontrer mathématiquement qu'il n'y avait pas de problème de financement des retraites. Néanmoins vous pourriez m'adresser deux objections.

La première, c'est que la revalorisation des retraites est très en-deça de l'inflation. Il est vrai que depuis 2014 la revalorisation n'équivaut plus à celle de votre époque de ministre. Or, je vous rappelle le rapport de la DREES : le niveau de vie des retraités est supérieur à celui de l'ensemble de la population.

Admettre une baisse du niveau de vie des retraités, c'est donc admettre en même temps une baisse du niveau de vie général. Cela nous amène à votre seconde objection possible. La fameuse équation mathématique dont vous parlez serait celle du rapport cotisants/retraités. Le nombre de retraités augmentant, nous serions en passe d'arriver à une pénurie de cotisants, si je suis bien votre argumentation. Comme je viens de le démontrer mathématiquement, nous aurons besoin d'une fraction similaire des richesses produites pour subvenir aux besoins de l'augmentation des retraités.

Donc de deux choses l'une :

  • ou bien l'on augmente les salaires et ainsi les cotisations à proportion de la croissance ;
  • ou bien l'on va chercher les cotisations là où la richesse est perçue et non plus produite.

C'est un « ou bien » inclusif, bien entendu. Si nous manquons de cotisants, c'est donc que la part des richesses revenant aux cotisants n'est pas répartie correctement. Ce qui revient à dire, comme nous l'avons vu avec la première objection, que le niveau de vie de la population active est en baisse. Formuler ces deux objections revient ainsi à affirmer qu'une reforme dans la distribution des richesses est nécessaire puisque la distribution actuelle entraîne l'enrichissement d'un petit nombre qui ne profite pas au plus grand nombre. Je souhaite bien du courage à un quelconque Républicain osant avancer une telle proposition que d'aucun qualifierait de communiste voire d'extrême gauche.

Vous noterez, Monsieur @BasPhilippe que la force de mon argumentation mathématique repose entièrement sur la valeur que vous placez dans le terme « mathématique ». Admettriez-vous une valeur moindre, je suis disposé à débattre de ma démonstration.

Note

Donc si on fait le calcul, il faudrait avoir été payé plus de 7700 € de l'heure en travaillant en 35 h légales françaises depuis le début de l'agriculture humaine pour espérer approcher la fortune de Bernard Arnault. Tout ça sans taxe, sans manger, sans rien. Je sais pas pourquoi, cette histoire d'accumulation chrématistique me rappelle les Spartiates avant le IIIe av. J-C qui utilisaient des barres de fer pour justement éviter cela. (Si l'on fait des approximations à l'emporte-pièce, il fallait une brouette pour transporter l'équivalent de deux cours de sophistique tellement c'était lourd. Imaginez devoir prendre un sac à dos pour aller payer un avocat, vous comprendrez que c'est compliqué d'amasser…)

Note

« Oh là là le problème ce sont les 35h, il faut travailler plus pour produire plus. »

Juste comme ça, voici les stats de l'OCDE sur les heures travaillées : https://data.oecd.org/fr/emp/heures-travaillees.htm

Le travailleur moyen fait 1520 heures par an en 2018.

C'est moins que les 1607 heures légales. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1911

Si on part sur la base de 46 semaines travaillées (ce qui semble être le cas dans le calcul des 1607 h), cela nous donne 33 h par semaine. On est, en moyenne, en dessous des 35 h.

Ce qui signifie que si le problème vient vraiment des 35 h, alors son envers est le temps partiel. Cela fait depuis la moitié des années 1970 qu'on travaille moins que la moyenne. Ce ne sont donc pas les 35 h qui ont engendré un problème. Par contre, on voit nettement la dégringolade depuis 1950, puis la stabilisation depuis le début des années 2000.

Autrement dit : avant de réformer les 35 h, embauchez à temps plein.

Autre chose, ce graphique me semble assez significatif. En rouge les heures travaillées en France, en noir la moyenne de l'OCDE.

De deux choses l'une : ou bien la dégringolade a été stoppée parce qu'elle a atteint une sorte de seuil (on ne peut pas travailler moins, quoi qu'on fasse), ou bien les 35 h ont stabilisé cette courbe. Quand je dis que cette dégringolade ne semble pas due aux 35 h, c'est que, toutes choses étant égales par ailleurs, le volume des heures travaillées a diminué ces 65 dernières années.

Prenez la population active de 1954 : https://www.persee.fr/doc/estat_0423-5681_1955_num_10_10_9013

Dans le premier cas, réformer les 35 h ne devrait a priori pas avoir d'effet puisque cette dégringolade ne semble pas due aux 35 h. Dans le second cas, réformer signifie reprendre cette dégringolade. On a « perdu » 8 % d'heures sur le volume, et l'on a « gagné » 40 % de travailleurs.

Autrement dit, on fait MOINS d'heures avec BIEN PLUS de travailleurs. 19,1 millions (j'enlève les chômeurs du décompte [331 500]). Cela représente 44,4 milliards d'heures.

En 2019, on en trouve 26,9 millions. Environ 40,9 milliards d'heures. Cela explique mécaniquement ce qu'on observe à côté : augmentation du temps partiel, de la précarité, explosion du chômage. Si le problème était dû aux 35 h, il faudra m'expliquer pourquoi, avec autant de travailleurs supplémentaires, nous n'arrivons pas à faire le même nombre d'heures en volume, tout en étant pas en récession (pas de perte de productivité). L'explication la plus probable est qu'il s'agit là des effets de la technique, qui tend à augmenter la productivité dans le même temps qu'elle diminue le volume d'heures nécessaires.

Mettre tous les actifs à temps plein ne suffirait pas à remonter au niveau de 1954. Il faudrait embaucher 700 000 personnes, soit le double des emplois non-pourvus d'après Pôle emploi.

https://www.lesechos.fr/2017/12/emplois-vacants-les-chiffres-de-pole-emploi-qui-vont-relancer-le-debat-189975

Mais même si l'on n'admet pas cette hypothèse, cela montre qu'il n'y a de moins en moins de travail, puisqu'on perd en heures tout en étant obligé de les répartir sur bien plus de travailleurs. Donc si vous pensez qu'il faut réformer les 35 h, alors on se retrouvera avec des chômeurs supplémentaires et du temps partiel précaire.

Voilà le point où je voulais en venir : quel que soit l'angle sous lequel vous abordez la chose, on se retrouve avec des chômeurs et précaires par nécessité. Pas parce qu'ils sont fainéants ou qu'ils n'ont pas travaillé à l'école. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas. L'augmentation du travail et la fainéantise des chômeurs, c'est une idéologie. Un système de valeurs contredites par les faits mais auquel vous adhérez pour votre propre servitude. C'est de la morale d'esclave, quel que soit la façon dont on l'aborde. Je dis qu'il y aura toujours une plus grande partie de nécessaire. Ce n'est pas en réformant les 35 h ou l'assurance chômage qu'on reviendra au point d'il y a 60 ans.

(Je ne reviendrai pas sur la société duale de Gorz, mais on semble être en plein dedans ici.)

Cela ne serait pas un problème, si en avançant cette idéologie vous ne marchiez pas sur les crânes de ceux qui n'ont rien. Si, en alimentant votre propre servitude vous ne meniez pas une guerre contre tout un pan de la société, dont les conséquences sont mortelles. Factuellement, vous êtes les instruments d'une prise d'otage touchant à la survie même des individus qui n'ont pas le privilège que vous avez. Il serait temps d'en prendre conscience, #LaPrecariteTue

Du coup cela participe à une sélection a priori de celle du marché du travail. Les internes rebelles, ceux qui comprennent le mieux les mécanismes de fonctionnement du monde et qui sont donc les plus à même de réussir dans l'université moderne, sont marginalisés. De sorte qu'un tel dispositif participe pleinement à ce que Alain Deneault pointe comme l'université qui tend à vendre ses étudiants comme des produits à l'entreprise, ce que Lyotard montrait déjà à son époque en constatant la fin de l'université moderne se réclamant du projet des Lumières (accomplissement de soi par le savoir). Mais là je ne parle que du côté « sélection des plus motivés » du truc.

Sur le côté travail camouflé coupant l'herbe sous le pied à de réelles questions de salaire (des étudiants mais pas que), il y aurait à dire également.

Note

J'aime recevoir un mail publicitaire sur une adresse uniquement utilisée pour l'AFNIL (attribution d'ISBN)… en désaccord manifeste avec sa page de protection des données https://www.afnil.org/protection-des-donnees-personnelles/

Puis depuis quand l'obtention d'une liste d'ISBN est payant ? Mars 2019 ?!

C'est exactement comme lorsque vous montez une entreprise. Ce qui est amusant c'est qu'en cas de déménagement l'URSSAF peut avoir du mal à vous localiser/mettre à jour sa base, mais vous recevez quand même les pubs à la bonne adresse (et vous continuez à en recevoir un paquet).

Note

« Le travail ne s'accomplit plus avec la conscience orgueilleuse qu'on est utile, mais avec le sentiment humiliant et angoissant de posséder un privilège octroyé par une passagère faveur du sort, un privilège dont on exclut plusieurs êtres humains du fait même qu'on en jouit […] » — Simone Weil, Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, 1934

Si je la cite comme ça, c'est qu'elle donne dans l'introduction l'une des thèses qui sera développée par André Gorz dans Métamorphoses du travail… 50 ans plus tard.

Or la thèse de Gorz repose sur des mutations techniques qui auraient eu lieu durant ces 50 années. Ça met un peu de plomb dans l'aile de cette thèse, il faudra l'appuyer davantage si on veut l'utiliser.

L'autre chose à remarquer, c'est qu'en 1934 il y a certes un bond du chômage, mais que ça reste peanuts par rapport à ce qu'on a connu depuis. Les sources vont entre 340 000 et 500 000 chômeurs, selon les méthodes de calcul. Sur une population active entre 20 et 21 millions de personnes, c'est peu.

Sauf que. En réalité si l'on jette un œil aux stats du chômage partiel, on peut redresser le tout.

« L'aggrégation du chômage recensé et du chômage partiel aboutit à un taux […] de 10,1 % en 1936, soit une situation très proche de ce qui prévalait en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. » https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1996_num_52_1_3561

Voilà notre agrégat de chômeurs et de précaires qui constitue, avec les travailleurs privilégiés, la société duale de Gorz. Je ne dis pas que Gorz a tort, mais qu'il y a chez lui une répétition, si ce n'est une réactualisation, d'un moment qui a déjà existé sous une autre forme.


La phrase d'après est pas mal non plus : « Les chefs d'entreprise eux-mêmes ont perdu cette naïve croyance en un progrès économique illimité qui leur faisait imaginer qu'ils avaient une mission. »

Ah. Ah. Ah. On est 85 ans après, hein.

« Le progrès technique semble avoir fait faillite, puisque au lieu du bien-être il n'a apporté aux masses que la misère physique et morale où nous les voyons se débattre ; au reste les innovations techniques ne sont plus admises nulle part, ou peu s'en faut, sauf dans les industries de guerre. »

Partagé sur Internet avec un ordinateur. Là est la limite de Weil.


« Enfin la vie familiale n'est plus qu'anxiété depuis que la société s'est fermée aux jeunes. La génération même pour qui l'attente fiévreuse de l'avenir est la vie tout entière végète, dans le monde entier, avec la conscience qu'elle n'a aucun avenir, qu'il n'y a point de place pour elle dans notre univers. »

La question que je pose c'est : Weil écrit durant une crise. Est-ce que le fait qu'on y trouve un portrait si saisissant de notre propre époque est dû à la répétition d'une crise de même forme ou à la durée de celle-ci ? Dit autrement : est-ce qu'elle peint le tableau d'un capitalisme intempestif, ou simplement d'une crise économique ?

Précarité : près de 20 % des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté - Le Monde

Note sur la méthode de calcul. Sachant que dans les faits des parents ne vont pas nécessairement aider leur enfant (et allez faire un procès à vos parents...), on peut dire qu'il s'agit de l'estimation basse.

Et voilà ce qu'il faut répondre aux boomers. Biais du survivant, toussa...

Note

J'viens de penser à un truc là. Lorsque l'on dépose de l'argent à la banque, on perd la propriété de cet argent au profit de la banque, qui nous est alors redevable (elle a une dette envers nous, matérialisée par le relevé de compte en tant que reconnaissance de dette). Jusque-là, ça s'accorde assez aux théories économiques sur la monnaie.

La question que je pose c'est : dans ce cas, pourquoi on paie des frais bancaires ? Vous en connaissez d'autres des échanges économiques où l'on paie pour que l'autre soit propriétaire de l'un de nos biens ?

En y réfléchissant, ça ressemble à un système mafieux : payer pour que l'autre soit en dette (dette de « protection » dans le cas de la mafia).

Du coup, si l'on creuse cette idée, la sécurité assurée par un État à qui l'on paie des impôts, c'est un système mafieux. C'est là la thèse de pas mal de libertariens. Les impôts, c'est du vol comparable à celui d'une mafia.

Et c'est là qu'on peut faire le chemin inverse : si tu es libertarien et que tu penses ça, pourquoi tu laisses de l'argent sur ton compte en banque ? Étrangement, vous verrez moins de libertariens contre les banques de dépôt que vous en trouverez contre les impôts. Je comprends pas trop pourquoi du coup.

Du coup, si l'on voit les choses avec cette perspective, cela signifie que les frais de tenue de compte dévaluent la dette. Il faut sans cesse recréer de la dette en ajoutant de l'argent sur le compte, de sorte que les frais « réels » de la tenue de dette dans le temps sont en réalité le double de ceux annoncés. Je dépose 100 €, frais de tenue de compte de 10 €/mois, au bout de 10 mois la banque n'a plus de dette envers moi. Si je veux pérenniser cette dette dans le temps, c'est-à-dire faire en sorte qu'elle continue de me devoir 100 €, je dois rajouter 10 €/mois. Total 20 €/mois.

Est-ce que je suis le seul à voir à quel point c'est dingue d'avoir de la dette as a service ?