Note: Enola Holmes 2

Enola Holmes 2… est tiède. Oh, si vous aimez une Mary Sue matinée de féminisme comme dans le premier, aucun problème. C'est pas ce que j'ai à lui reprocher, du reste. C'est que c'est un Holmes tiède.

J'ai résolu à la moitié du film les deux intrigues. C'est-à-dire :

  1. Sous quel déguisement se trouvait Chapman.
  2. Qui était Moriarty.
  3. Les motifs des deux.

J'avoue, j'ai été aidé… par mes connaissances de sale gauchiste. Le nom de « Sarah Chapman » me disait quelque chose. Trois Chapman en particulier me revenaient :

  1. Mark Chapman, le tueur de John Lennon.
  2. Annie Chapman, l'une des victimes de Jack l'éventreur… en automne 1888 à Whitechapel. Et je pensais au départ qu'il s'agissait d'elle. Mais au fond de ma mémoire résonnait une « Sarah Chapman » avec une histoire d'allumettes…
  3. Sarah Chapman, meneuse gréviste en… juin 1888.

À partir de là, il ne restait qu'à dérouler les connaissances générales sur les conditions de travail des ouvriers en Angleterre. Par exemple, savez-vous que les allumettes « rouges » ont été inventées relativement tôt, et que les « blanches » étaient interdites dans la plupart des pays dès la seconde moitié du XIXe siècle… sauf en Angleterre où il fallut attendre le début du XXe ? La cause était connue de longue date : le phosphore causait une maladie mortelle aux travailleurs que l'on nomme en anglais phossy jaw, la mâchoire du phosphore.

Et si l'Angleterre a attendu tout ce temps, c'est parce qu'il a fallu que la Convention de Berne… qui mènera à la création de l'Organisation Internationale du Travail (OIT).

À partir de là, il était simple de comprendre que le « typhus » du film était dû au phosphore, donc comprendre pourquoi Chapman allait faire grève, donc comprendre qui elle était et ce qu'elle faisait.

Du coup il était simple à partir de là de démasquer Moriarty. Le truc, c'est que même sans ça, Moriarty était simple à trouver. Genre, vraiment. C'est le symptôme des films et séries policiers de notre époque. Broadchurch était une bonne série, mais tombait dans ce travers.

Ça ne tient qu'à une expression : le fusil de Tchekhov.

Il y a deux types de policiers : celui qui fait confiance à l'intelligence et celui qui est juste là pour passer le temps.

Dans le second, on cache volontairement des éléments au spectateur/lecteur jusqu'à la révélation finale. C'est… souvent médiocre, on ne va pas se le cacher.

Dans le premier, le spectateur/lecteur a tous les éléments pour résoudre l'enquête.

La plupart des séries policières (Dr House y compris) fonctionnent sur les deux modes selon le scénariste. Le gros problème des scénaristes actuels, c'est qu'ils ne connaissent qu'un moyen d'amener ces éléments : le fusil de Tchekhov. Donc on va insister pendant 30 minutes sur des passages qui semblent n'avoir aucun lien, pour ensuite révéler qu'en fait il n'y avait pas de gras.

Enola Holmes, les deux films, se vautrent là-dedans tout du long. Dans le premier, sur le vote de la réforme, dans le second sur le typhus par exemple. On te fait bien comprendre qu'il y a inspection des dents, que l'odeur du phosphore est pénible, et on te fait des gros plans sur des affiches de prévention sanitaire.

Bref, on insiste pour te montrer le fusil. Il n'y a plus qu'à te faire des flashbacks à la fin. C'est ça que je trouve particulièrement pénible. C'est le même procédé, encore et encore. Ce qui fait qu'à partir du moment où l'on connaît ce code des plus basiques de scénario, donc que l'on réfléchit de manière méta, on n'est plus surpris par aucun twist. C'est ce travers que je dénonçais pour Broadchurch. Pas l'utilisation d'un fusil de Tchekhov (la série a cette intelligence), mais une simplicité à décoder à partir d'une lecture métatextuelle de l'œuvre. Parce qu'il y a eu ce plan qui a duré tant de secondes, je sais qui c'est. Dans un épisode d'Elementary, j'ai résolu l'enquête avant même qu'elle soit présentée parce que j'ai reconnu une actrice.

Donc il y a trois problèmes dans les policiers audiovisuels de nos jours :

  1. Impossibilité de résoudre l'enquête parce qu'on nous a caché un élément.
  2. Simplicité de résolution par lecture métatextuelle de l'œuvre.
  3. Sur-utilisation des setups/payoffs.

Enola Holmes tombe dans 2 des 3 pièges. On sent qu'il y a eu volonté de bien faire (que ce soit mettre la lumière sur un élément d'histoire ouvrière ou faire un policier divertissant). Mais j'en ai marre de prévoir à l'avance tous les « twists ». Surprenez-moi à un moment donné. J'pense pas être plus malin qu'un autre, et ma cinéphilie s'arrête à quelques notions d'un cours universitaire d'il y a plus de dix ans. Dans un genre censé célébrer l'intelligence, c'est un véritable problème si vous n'êtes pas capables de proposer une œuvre qui vole un peu plus haut que la base en la matière, en fait.

Certains disent que la série Sherlock tombe dans le premier travers, impossibilité de résoudre. Bah j'ai deviné le boomerang. Et le taxi. Et le photographe. Et… Bref, Sherlock n'est pas une série à prendre en exemple.

J'ai presque appris à lire avec John Watson. Voir que vous n'arrivez pas à me surprendre parce que vous suivez les uns après les autres la même méthode, ne réfléchissant pas outside the box me désole. Est-ce que vous vous rendez compte qu'il y a juste une différence d'univers graphique entre vos productions et Détective Pikachu ? J'veux dire… Détective Pikachu, le passage d'exposition dans le train c'était gênant tout de même, non ? Le film ça fait 8 minutes qu'il a commencé, tu sais qui sera le méchant final parce que fusil de Tchekhov et méta-texte (Bill Nighy on t'aime).

BAH POURQUOI VOUS FAITES PAREIL DANS LES DEUX ENOLA HOLMES ? C'est exactement la même méthode, le même ressort scénaristique usé jusqu'à la moelle. Passez à autre chose, je vous en prie.

« Gnagnagna il y a pas trente mille façons de faire des policiers »

Vertigo, d'Alfred Hitchcock, que je n'ai vu que récemment. Là vous avez un bon twist. Tous les éléments étaient présents dès le départ, mais ça reste surprenant tout de même.

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