Citizen2g 🇫🇷 📷 (@citizen2g): "« Ouais les jeunes d’aujourd’hui cest des fiottes faut une guerre pour qu’on aille se battre comme nos ancêtre stylés et solides » disent les attardés Les ancêtres en question:…" / Twitter

Mon grand-père, ancien de la guerre d'Algérie où il n'a pas tiré un seul coup de feu, se contentant de cuisiner en douce pour la population locale et de dénoncer dans l'Humanité les tortures, gardait précieusement un petit carnet qui ne payait pas de mine.

Un jour, ma grand-mère me l'a confié, pour que je lui fasse la surprise de le numériser. Oh, mon grand-père, né en 1938, n'est pas à l'aise avec l'ordinateur, mais le geste était bien plus symbolique : quoi qu'il arrive, la famille garderait une trace de ce carnet. Il s'agissait d'un journal que tenait son père, mon arrière-grand-père, et qui débute au moment où il est appelé au front de la Grande Guerre avec son frère jumeau.

J'ai non seulement lu ce carnet, je l'ai scanné, mais je suis allé plus loin : je l'ai retranscrit et annoté. Je devais pas avoir plus de 18 ans, à l'époque. J'ai passé plusieurs mois à ça, en cherchant les lieux mentionnés pour faire une carte de leur itinéraire.

Après quelques mois, le carnet s'arrête brusquement. Mon arrière-grand-père avait été sérieusement blessé. Il est resté plusieurs mois à l'hôpital, en retrait des conflits, avant d'être rapatrié à l'arrière, désormais incapable de se battre.

Cette blessure l'a séparé de son frère jumeau qui, lui, ne reviendra jamais du front. Ils n'avaient pas 20 ans.

Nos ancêtres n'étaient pas stylés et solides. Ils se blessaient. Ils ne voulaient pas aller se battre. Quand ils revenaient, c'était traumatisés, avec des blessures physiques comme psychiques considérables.

L'arrière-grand-père cultivera du tabac et divers trucs, en cachette, en zone occupée, pendant la Seconde. Mais il gardera toute sa vie ce traumatisme d'avoir été celui des deux frères qui aura survécu.

Voilà pourquoi mon grand-père tenait tant à ce carnet. La dernière trace qu'il avait de son oncle. Le témoignage des atrocités de la guerre, qu'il connaîtra lui-même plus tard, où il cassera sa pipe (au sens littéral : un coup de feu cassera sa pipe, à ce qu'il raconte). Il passera le reste de sa vie à mener des luttes syndicales et politiques de sorte que personne n'ait à revivre une guerre, et que l'on n'ait plus aucun général à la tête de l'État.

Tout ça pour dire : vous crachez sur les anciens combattants lorsque vous demandez une guerre. La Grande Guerre devait être « la der des der », la dernière guerre. On sait ce qu'il en a été. Et nombreux étaient les conscrits en service militaire qui étaient contre la guerre d'Algérie, comme en témoigne mon grand-père. Ils se sont battus pour que l'on n'ait justement pas à connaître de guerres. Que l'on s'amuse justement avec de petits soldats de plomb plutôt que d'hommes de chair et de sang. Vous crachez sur eux chaque fois que vous appelez à une guerre pour fortifier les jeunes ou la nation.