Note

J'adore ma directrice de mémoire. Par contre quand elle m'écrivait « je sais pas si le livre dont je vous donne la référence se trouve encore », j'avoue que je ne m'attendais pas à ce que la BU n'ait même pas une notice POUR L'AUTEUR DU BOUQUIN.

Bon, sur trois auteurs, on en a un seul référencé ici. Ça part mal. Si je dois compter sur Amazon, j'en ai pour 85 balles en trois bouquins, dont deux électroniques… Ça va être fun de regarder le prêt inter-universitaire patauger, quand je vois que même Bordeaux ne les a pas…


Victoire ! Il y en a un dispo en lecture en ligne à l'université de @Nervia_Nocline, j'ai plus qu'à lui faire les yeux doux \o/

Note

Vous savez, il y a des trucs qui m'énervent. Généralement ce sont de mauvais arguments qui, défiant la logique, semblent acceptés par tous mes contemporains.

Un exemple est celui de l'âge de départ à la retraite. Tous les politiques qui espèrent que l'État fasse main basse sur la Sécu… pardon… qui veulent se goinfrer d'une manne socialisée qui leur échappe… ah, pardonnez-moi j'arrive pas à l'écrire : qui veulent le bien des retraités… Voilà. Donc je disais : tous les politiques qui veulent reculer l'âge de départ à la retraite d'une façon ou d'une autre avancent pour ce faire leur argument massue. L'espérance de vie a augmenté, on vit plus longtemps. Donc il faut cotiser plus, donc il faut partir plus tard à la retraite. CQFD.

Sauf que. Si l'espérance de vie a bien augmenté, l'espérance de vie en bonne santé, lui, est resté sensiblement le même depuis 1982, date à laquelle on a commencé à le calculer. Cette espérance de vie en bonne santé est définie comme le nombre d'années que l'on peut espérer vivre sans incapacité, c'est-à-dire sans être limité dans ses activités quotidiennes par un problème de santé temporaire ou permanent.

Or, et c'est assez « amusant », cet indice stagne aux alentours de 64 ans pour les femmes, 62 ans pour les hommes. Des années c'est un peu plus, des années c'est un peu moins.

Ça signifie deux choses.

La première, c'est que repousser un âge de départ après 62-64 ans c'est continuer à faire travailler des personnes qui ne peuvent physiquement plus le faire, avec les soucis que ça engendre (accidents du travail, erreurs humaines, coûts, etc.).

La seconde, c'est que même si l'on repousse ce départ à la retraite, les dépenses de retraite de la Sécu iraient de toute manière couvrir d'autres dépenses : celles de la santé. Les séniors vont pas magiquement arrêter de devenir sourds, aveugles, boiteux, tremblotants, faire des infarctus ou débuter un Alzheimer juste parce qu'on a augmenté l'âge de départ. Je prends les pire cas, mais vous saisissez l'idée.

Voilà pourquoi cet argument m'exaspère. Au moins en 2010 le gouvernement en avait un autre, qu'on a pourtant pas vu beaucoup passer : avec l'augmentation du chômage, il y a moins de cotisations. Cet argument-là a au moins le mérite de pointer une solution évidente : réduire le chômage permettrait de pallier à cette espérance de vie améliorée.

Pour la petite histoire, un mois après que le Conseil d'orientation des retraites fasse son rapport en 2010, le ministre du Travail expliquait qu'il fallait augmenter la durée de cotisation, donc repousser l'âge de départ en retraite. C'est vous dire comme les gouvernements savent à quel point réduire le chômage est mission impossible. Donc quand Pénicaud dit avoir foi en sa réforme, il est permis de douter du résultat.

Timo (@lehollandaisv): "Voilà qui résume tout. Et comme les "petites mains" sont de moins en moins nécessaires (ie robotisation) , ça explique pourquoi le chômage est en hausse, même si tout le monde a un diplôme aujourd'hui." / Twitter

Il y a de ça, mais j'ai un avis beaucoup moins tranché sur la robotisation et l'informatisation en général, qui ne me semblent pas avoir l'effet sur le chômage qu'on a tendance à leur attribuer.

La robotisation en particulier est pleine de paradoxes : le pays le plus robotisé est également celui avec le plus grand taux de travailleurs humains. En France on a taux de robots/travailleurs assez faible et le chômage est plus haut que dans d'autres pays avec un taux bien supérieur. Je pense que le problème n'est pas tant la robotisation qu'une volonté d’assujettissement inhérente au capitalisme.

Lorsque Ford a amélioré la productivité avec des améliorations techniques, il a également baissé le nombre d'heures de travail : les ouvriers faisaient de toute façon plus en moins de temps. Les progrès techniques ont grandement amélioré la productivité, mais nous n'avons pas baissé le temps de travail à la mesure du progrès. La question est de savoir pourquoi, et c'est en partie ce sur quoi je bosse cette année.

Timo (@lehollandaisv): "Un diplôme (ou de l’expérience) ça ne paie pas plus, mais ça permet d’être pris plus vite. Avant on…" / Twitter

J'ajouterai, puisque la dame est sur de la narration d'anecdote, que les deux seuls professeurs du département de la fac où je suis en formation sont les deux « doyens » en matière d'âge les moins compétents de l'ensemble des enseignants de ce département.

Tu peux être d'une génération plus exigeante, avoir plus de diplômes, deux doctorats et être moins compétent que les personnes que tu formes sur les sujets de recherche qui ont fait ta carrière. Si je devais généraliser un cas comme elle le fait, j'en arriverais à la conclusion que les diplômes d'antan valaient plus en valeur économique du fait de leur rareté et non du fait des compétences associées...

Donc que valeur d'un diplôme et compétences n'ont en réalité jamais été corrélés, et qu'il est absurde de se baser sur une simple anecdote de prof de BTS pour dénigrer les compétences d'une génération à la Platon « les jeunes c'est la décadence ».

(Là j'ai pas la ponctuation pour donner le ton, mais il est mi-figue mi-raisin. Autre chose : sans entrer dans de l'anarchisme à la Chomsky, il y a une raison à cette valeur dégradée du diplôme, qui ne correspond pas aux compétences. J'veux dire… Avant, dans le temps, c'étaient les entreprises qui formaient les travailleurs à leur métier. Pas pendant trois jours comme c'est le cas aujourd'hui. Comme c'était une source de frais importante, et que ça jouait sur la concurrence, les entreprises ont externalisé. Ou plutôt : l'État a, comme toujours et depuis le début, servi d'aide au marché en prenant sur lui ces frais de formation. Comprenez que les entreprises avaient BESOIN de cette prise en charge pour obtenir une main d'œuvre qualifiée abondante et ainsi virer des frais [de formation, mais pas seulement : passer de la secrétaire à Microsoft Office, bref couper dans tout ce qui ne valorise pas]. Mécaniquement, plus de diplômés c'est une baisse des salaires des diplômés à compétences égales. C'est donc tout bénef pour les entreprises qui « gagnent » [vous comprendrez les guillemets plus tard] sur trois tableaux :

  • moins de frais de formation ;
  • moins de parts de salaire ;
  • une main d'œuvre qualifiée bon marché et abondante.

Maintenant, les guillemets. Si ce gain apparent s'est réalisé, c'est parce que la part du travail vivant dans la valeur a fortement baissé. Comme je l'ai dit, plus besoin de la secrétaire quand on peut avoir Office que tout le monde doit savoir utiliser. Ce qui signifie donc que si l'on considère la génération de diplômés d'aujourd'hui comme moins compétente, c'est que ces compétences ont été intégrées dans du savoir technique accumulé. Du logiciel, de la machine, etc. Ça signifie également que la part productive du travail vivant baisse. Donc que justement on a pas besoin de payer un être humain pour produire de la valeur autant qu'on devait le faire auparavant, ce qui explique aussi la baisse de valeur du diplôme. Donc ce gain des entreprises sur les trois tableaux a été rendu nécessaire par le fait qu'en réalité elles produisent moins de valeur. D'où, notamment, la croissance à un chiffre qu'on observe.

Bref, on retombe sur l'observation de départ : valeur économique du diplôme et compétences ne sont pas corrélés, ou plutôt il y a d'autres facteurs bien plus importants pondérant une quelconque corrélation. Voir la baisse de valeur des diplômes comme la conséquence d'une baisse de compétences, c'est prendre le problème dans le mauvais sens en supprimant tous les autres facteurs pourtant plus importants qui jouent sur la valeur et sur les compétences.)