OpenEdition Books

Je n'apprends que maintenant l'existence de OpenEdition Books, qui propose un catalogue intéressant de livres en sciences humaines et sociales, tout ça en libre accès en ligne.

Il y a des têtes connues au catalogue @Nervia_Nocline : https://books.openedition.org/ariadnaediciones/259

(en vrai ça me paraît intéressant, faut que je booste un peu mon espagnol)

Note: Capitalisme vs Communisme

« […] the fight between capitalism and communism […] »

Alors, déjà, dire que le bolchévisme est le communisme, c'est limite.

D'une part parce que le communisme, c'est l'état de la société après la dictature du prolétariat, dans une vision socialiste marxiste (et que l'URSS n'a pas dépassé ce stade de la dictature). D'autre part parce que si le bolchévisme est un communisme, tous les communismes ne sont pas bolchéviques.

Mais admettons.

Ensuite, j'attends encore que les gens du PCF répondent à ma question : en quoi l'URSS n'était-elle pas un capitalisme d'État ? La Guerre Froide c'était pas un combat entre capitalisme et communisme, c'était un combat entre deux sortes de capitalisme.

Note

Je sens tellement le moment où, arrivé à Grandmont et sachant m'y repérer (j'ai fait mon stage là-bas), je vais me retrouver seul devant la salle de cours…

… sans le prof qui vient du Chili et qui sait à peine s'orienter aux Tanneurs.


14 mars 2018 11:55:38

J'avais tort.

Je me suis retrouvé seul. Mais avec le prof. On a discuté pendant 1h30.

Christophe Grébert (@grebert): "Mais les cheminots et les infirmières nous ruinent" / Twitter

Les commentaires sont juste hallucinants : ne pas comprendre qu'il s'agit de profits, donc tous coûts écartés, je sais pas, c'est wow. Ne pas comprendre qu'une part du salaire est socialisée, donc qu'en augmentant les salaires dans le privé on peut toucher cet argent privé… c'est dingue. Il y a pas besoin de lire le Capital ou d'être syndiqué·e pour comprendre ces mécanismes, il suffit de savoir lire une fiche de paie.

Rappelez-vous d'une chose : le salaire, c'est ce que vous touchez à la fin du mois + vos cotisations sociales salariales + les cotisations patronales.

Donc quand vous voyez ce genre de déclaration : « baisse des charges », ça veut dire en réalité « on baisse vos salaires ». Vous allez me sortir : bah non, c'est mathématique, si on baisse les charges de 1% on a 1% de salaire net en plus. Oui. Mais je vous souhaite de ne jamais être malade, au chômage, à la retraite, invalide, etc. Ce 1% de cotisation, vous ne le toucherez pas.

Et ça passe crème pour la plupart des gens. J'hallucine. « Pour augmenter votre pouvoir d'achat, on va baisser votre salaire ».

Et je ne vous souhaite bien entendu pas de bosser dans un hôpital, qui avant de fermer dans quelques années, vous aura fait faire des cadences infernales. Faut vraiment être d'une imbécillité abyssale pour ne pas voir ce qui se profile : sous couvert d'une augmentation du pouvoir d'achat (= consommation), on dégrade la sécurité sociale, les alternatives privées vont se ruer sur l'occasion, qu'on va payer avec nos salaires net. Il y a pas besoin d'être une économiste chevronnée pour comprendre ça. Ça s'explique en deux minutes montre en main. Vous faites un cours d'éduc' civique au collège les gosses comprennent.

Comment on en est arrivé là, on peut en débattre, mais j'hallucine réellement qu'on en est arrivé à ce point.

Update : quand je disais qu'on pouvait l'expliquer en deux minutes… https://www.youtube.com/watch?v=dNKgU5y2xIk

Sur le même sujet : la qualification des jeunes a explosé depuis 50 ans. Les jeunes d'aujourd'hui sont plus qualifiés que leurs parents au même âge. Pourtant, le salaire à l'embauche est moindre. Et personne ne s'insurge. On trouve ça normal.

Eh, je vous rappelle que votre retraite est payée par le salaire indirect, hein. Si vous voulez pas qu'elle saute « parce que vous comprenez, on a pas assez de sous dans la caisse », vous avez tout intérêt à ce que le travail des jeunes soit rémunéré à sa juste valeur. C'est proprement hallucinant. J'ai pas d'autre termes.

J'hallucine de vivre dans une société qui se dit démocratique, mais tellement ravagée par les pouvoirs politiques et économiques qu'on en est arrivé à un chacun pour soi où les gens sont devenus aveugles à leurs propres intérêts comme à ceux des autres.

Note: Le Jeune Karl Marx

Je viens de voir Le Jeune Karl Marx, film de 2017 retraçant les jeunes années du prophète hégélien.

C'est du boulot, il était recommandé par le prof de philosophie politique.

C'est un biopic qui part de 1844 pour aboutir à l'écriture du Manifeste en 1848. Marx avait donc entre 26 et 30 ans, Engels deux ans de moins.

La forme

Sur la forme, il y a peu à en dire : les acteurices sont de différentes nationalités, et le doublage a la particularité de garder un accent pour montrer cet internationalisme des protagonistes. C'est pas con, un entre-deux entre le tout sous-titré et le doublage classique. On regrettera un générique de fin qui tache un peu : une série d'images des différentes luttes entre Marx et nos jours, sur la musique Like a Rolling Stone. On comprend l'intention : montrer l'actualité encore prégnante de l'analyse marxiste, mais c'est mal fichu.

Oh et Olivier Gourmet en Proudhon. Même si j'aime bien l'acteur, il y a une différence de 20 ans entre lui et le personnage qu'il joue. Manque de cheveux et de barbe.

On constate aussi une plus grande place des femmes (Jenny von Westphalen, Mary Burns), et au vu de leur place dans le film, on ne peut que se demander pourquoi ces scènes de cul en début et milieu de film. Inutiles, tradition classique du cinéma qui pense avoir besoin de ça.

Le fond

On constate bien la misère financière de Marx, ses exils et rapports au pouvoir, mais également l'appartenance sociale de Engels. La relation de Marx (docteur en philosophie) avec Proudhon (autodidacte) est affichée, Marx dominant intellectuellement ce dernier. Pourtant, dans leur correspondance ultérieure, Proudhon saura se défendre sur ce plan, ce qui est assez remarquable.

Petit point qui me fait tiquer : Bakounine est présenté comme faisant partie de la « cour » de Proudhon, mais reste pas mal en retrait, dès 1844 dans le film. Or c'est plus tard qu'il deviendra ami avec Proudhon, et qu'en tant que traducteur de Hegel il l'initiera à la philo allemande (période d'écriture de la Philosophie de la Misère).

Autre point : la correspondance Marx-Proudhon. On sait à travers cette correspondance qu'à Bruxelles Marx et Engels sont associés à Philippe Gigot (évincé du film). En fait, Marx, Engels, Gigot et quelques autres fondent à Bruxelles un comité de correspondance, pour organiser les militants des différents pays.

C'est par ce biais que Proudhon est contacté, et mis en garde contre Grün. Or, dans le film, Proudhon insiste deux fois pour qu'ils établissent une correspondance (une fois en 1844 et une autre en 1846), à l'oral. Marx se déplace à Paris alors qu'il vient d'être expulsé de France (et n'a donc pas de passeport) pour expliquer ce qu'une lettre suffit.

On comprend l'intérêt de montrer l'action en tant que film, reste que ce n'est ni cohérent dans le film, ni logique de faire référence à une correspondance qui n'existe pas (et la remarque de Proudhon dans le film pointe très justement cette incohérence).

Le film montre aussi la refondation de la Ligue des justes en Ligue des communistes. On voit bien le travail en amont, mais la conférence de juin 1847 est expédiée, si bien qu'on a plus l'impression d'un coup d'État interne. C'est, dans le film, la première occurrence du terme « communisme », et on ne comprend pas d'où Engels le sort, pourquoi il est compris, etc. Et ce, justement à cause du fait qu'on n'a pas parlé du Comité de correspondance communiste de Bruxelles avant. 'z'ont déjà la banderole rouge, le logo, le nom, la devise, c'est balancé d'un coup et hop ça fait des communistes.

Éclipse. On se retrouve en Belgique en janvier 1848, sur la plage, où Engels tente de convaincre Marx d'écrire le Manifeste.

Mais en fait, à l'époque, il est déjà écrit : rédigé entre décembre 1847 et janvier 1848, la Ligue les ayant chargés de ça début décembre. Marx était présent au congrès de décembre, il n'a donc pas besoin d'être convaincu par Engels, sauf pour des raisons de scénario.

S'ensuit une scène où l'on voit la rédaction du Manifeste. À la première ligne, Marx raye « croquemitaine » et le remplace par « spectre » qui hante l'Europe. Et ceci est problématique. C'est problématique, parce que Derrida a consacré un bouquin sur le sujet : Spectres de Marx, où il tente de comprendre la notion de spectralité chez Marx. Soit Derrida s'est gouré, le manuscrit contenait bien une rature et Marx a préféré le terme de spectre pour une raison ou une autre. Soit Derrida ne s'est pas gouré et il n'y a pas eu cette correction, Marx pensait bien la notion de spectralité à partir de Hamlet.

Retour sur l'incohérence des correspondances Marx-Proudhon : en fait, c'est Engels seul qui était à Paris, mais il n'y a pas rencontré Proudhon. Il a cependant pu se procurer Philosophie de la misère, pour l'envoyer à Marx.