Il y a près de vingt ans, alors qu'Internet se payait au forfait horaire et que je n'étais qu'un gosse curieux de tout, je suis tombé sur un site se revendiquant de la zététique. Un tas d'études scientifiques sur le suaire de Turin, ce genre de choses. C'est à partir de là que j'ai compris ce qu'était la philosophie, et que j'ai commencé à en lire : ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre.
Comprendre le point de vue de l'autre, comprendre comment il en arrive à penser ce qu'il pense, au point de comprendre que ce pourrait être nos propres croyances si l'on avait suivi un autre chemin.
Plus tard, j'ai lu du Chomsky, et ça m'a amené vers du Bricmont, du Baillargeon, etc. Tout cela m'a permis, après de nombreuses années, d'obtenir un master en philosophie sociale. Et c'est exactement ce que disait l'un de mes profs, jury de mémoire : « on manque de philosophes de nos jours, c'est-à-dire de gens capables d'accepter des arguments de gens avec lesquels ils sont pourtant en désaccord. »
Toutes ces années, je me suis tenu loin de la sphère « sceptique » ou « zététique », celle à laquelle tu fais allusion, justement pour les raisons que tu avances, et pour une autre qui semblera ignoble : même en épistémologie, la plupart des contenus des proclamés sceptiques ne pèse pas lourd par rapport à l'ouverture d'un livre. Le paradoxe de la tolérance ? Mais ça fait des années que je veux en faire un article montrant à quel point il est mal interprété par les « zététiciens », qu'il suffit de lire Popper et Rawls pour cela…
Toutefois, je gardais ton contenu en haute estime, comme celui d'Hygiène Mentale pour n'en citer qu'un, et je n'étais pas le seul : parce que du frontal ou de la bienveillance, vous aviez choisi la bienveillance. Ton passé de croyant te rendait perméable à cette base de la philosophie : même le pire des néo-nazis a ses raisons de croire, et il est intéressant de jeter un œil à ces raisons. Comprendre n'est pas légitimer.
Donc je comprends les raisons qui te poussent à arrêter. Ça nous fait tous l'effet d'un manque, du camarade perdu sous les balles, mais nous sommes nombreux à comprendre.
Alors, prends soin… de toi. De ta famille, de tout ce qui t'es cher. Mais prends soin de toi.