Le gouvernement va permettre de travailler jusqu'à 60 heures hebdo dans certains secteurs | HuffPost
Alors, une fois n'est pas coutume on va faire un petit calcul à l'emporte-pièce, et je vais vous demander de me faire confiance pour les sources, ce sera sourcé dans le bouquin que je vais sortir cette année, ok ? Si vous êtes impatients, vous irez chercher dans la BDD de l'OCDE.
Dans l'ensemble, depuis 1950, la France est en croissance économique : en volume, elle produit plus chaque année (à l'exception de trois années, mais on est pas à une vache près). Cette croissance ne tient pas compte de ce que l'on consomme. On peut avoir une évolution de -2 %, si l'on consomme intérieurement moins que ce que l'on a produit et importé, c'est pas un souci, on arrive à tenir. Sinon on aurait vu un effondrement complet de la civilisation en 75 ou pire en 2009.
Maintenant, voilà le truc. Le « volume » total des heures de travail pour produire tout ça se chiffre en dizaines de milliards. Dans l'ensemble, la courbe a baissé entre 1955 où elle était de 42 M d'heures, et 1988 (35 M d'h). Puis c'est remonté jusqu'à atteindre 41 M d'h en 2018.
Parallèlement, la population active qui travaille a augmenté de près de 10 millions de personnes, ce qui a eu pour effet de réduire le nombre d'heures travaillées en moyenne pour chaque travailleur. De nos jours, la moyenne est sous les 35 h (plus proche de 31 h).
Ne faites pas attention à l’aspect rudimentaire de ces graphiques, il manque une échelle et je n'ai pas eu le temps de le peaufiner…
Cela nous fait 6,8 milliards d'heures de travail « à rattraper » pour revenir à une croissance positive. En moyenne, cela signifie donc 250 heures par travailleur, à répartir les sept mois restants, soit environ 9 h par semaine puisque les congés ont été ou vont être sucrés.
Ce qui fait une moyenne de 40 h de travail par semaine. Comme on l'a vu, la moyenne précédente était de 31 h alors que l'on sait qu'il y en a qui travaillent bien plus que ça. Si l'on fait ce calcul à l'emporte-pièce, notre production se réparti sur toute l'année à raison de grosso modo 113 millions d'heures par jour. Soyons large, et mettons un confinement total avec arrêt de la production durant 60 jours.
Mais si l'on se fie aux indicateurs de la DARES pour le dernier trimestre 2019 (https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/dares-analyses-dares-indicateurs-dares-resultats/article/evolution-des-salaires-de-base-et-conditions-d-emploi-dans-le-secteur-prive-119475) on a cette répartition :
Je n'ai pas le temps d'aller chercher des données complètes sur le sujet, d'autant que les administrations publiques françaises sont une plaie à ce niveau-là, entre les séries incomplètes et celles qui changent de méthodologie tous les quatre ans… L'immense majorité (93 %) travaille moins de 39 h. S'ils font leur part de 9 h supplémentaires, ils restent dans la limite des 48 h légales. Il ne reste donc que 500 millions d'heures à répartir aux 7 % restants. S'ils sont tous à 39 h, ils travaillent leurs 9 h supplémentaires (48 h) et c'est bon. S'il y en a 50 % à 39 h, on est en manque de 250 millions d'heures, mais si on les réparti aux autres ça ne fait que 20 minutes supplémentaires par semaine. Même dans le cas improbable où ils sont tous déjà à 48 h, cela ne représenterait que 43 minutes supplémentaires par semaine aux autres qui sont en dessous des 48 h.
Bref, à la grosse louche avec de l'analyse qui tâche, même avec deux mois de production totalement arrêtée, on a pas besoin d'aller au-delà des 48 h pour « sauver l'économie ».
Bien sûr c'est largement plus complexe que ça, j'ai ni les données ni les compétences pour affiner. Mais je doute également que la décision du gouvernement soit prise sur autre chose que des estimations un poil moins grossières que la mienne, surtout vu la persévérance qu'ont les sciences économiques à ne pas produire de prédictions dignes de ce nom.