Note
Je re-jette un œil à L'Idéologie allemande de Marx. Je ne me souvenais plus de cette préface qui envoie du pâté.
Jusqu’à présent les hommes se sont toujours fait des idées fausses sur eux-mêmes, sur ce qu’ils sont ou devraient être. Ils ont organisé leurs rapports en fonction des représentations qu’ils se faisaient de Dieu, de l’homme normal, etc. Ces produits de leur cerveau ont grandi jusqu’à les dominer de toute leur hauteur. Créateurs, ils se sont inclinés devant leurs propres créations. Libérons-les donc des chimères, des idées, des dogmes, des êtres imaginaires sous le joug desquels ils s’étiolent. Révoltons-nous contre la domination de ces idées. Apprenons aux hommes à échanger ces illusions contre des pensées correspondant à l’essence de l’homme, dit l’un, à avoir envers elles une attitude critique, dit l’autre, à se les sortir du crâne, dit le troisième et – la réalité actuelle s’effondrera. Ces rêves innocents et puérils forment le noyau de la philosophie actuelle des Jeunes-Hégéliens, qui, en Allemagne, n’est pas seulement accueillie par le public avec un respect mêlé d’effroi, mais est présentée par les héros philosophiques eux-mêmes avec la conviction solennelle que ces idées d’une virulence criminelle constituent pour le monde un danger révolutionnaire. Le premier tome de cet ouvrage se propose de démasquer ces moutons qui se prennent et qu’on prend pour des loups, de montrer que leurs bêlements ne font que répéter dans un langage philosophique les représentations des bourgeois allemands et que les fanfaronnades de ces commentateurs philosophiques ne font que refléter la dérisoire pauvreté de la réalité allemande. Il se propose de ridiculiser ce combat philosophique contre l’ombre de la réalité, qui convient à la somnolence habitée de rêves où se complaît le peuple allemand, et de lui ôter tout crédit. Naguère un brave homme s’imaginait que, si les hommes se noyaient, c’est uniquement parce qu’ils étaient possédés par l’idée de la pesanteur. Qu’ils s’ôtent de la tête cette représentation, par exemple, en déclarant que c’était là une représentation religieuse, superstitieuse, et les voilà désormais à l’abri de tout risque de noyade. Sa vie durant il lutta contre cette illusion de la pesanteur dont toutes les statistiques lui montraient, par des preuves nombreuses et répétées, les conséquences pernicieuses. Ce brave homme, c’était le type même des philosophes révolutionnaires allemands modernes.
Thèse du patriarcat que l'on retrouvera 40 ans plus tard dans L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État de Engels à partir des notes de Marx sur les travaux de L. H. Morgan fin des années 1850, plus de dix ans après L'Idéologie allemande.
Cette division du travail, qui implique toutes ces contradictions et repose à son tour sur la division naturelle du travail dans la famille et sur la séparation de la société en familles isolées et opposées les unes aux autres, – cette division du travail implique en même temps la répartition du travail et de ses produits, distribution inégale en vérité tant en quantité qu’en qualité ; elle implique donc la propriété, dont la première forme, le germe, réside dans la famille où la femme et les enfants sont les esclaves de l’homme.
Sur la dialectique révolutionnaire et les prétentions à l'intérêt universel des idées.
En effet, chaque nouvelle classe qui prend la place de celle qui dominait avant elle est obligée, ne fût-ce que pour parvenir à ses fins, de représenter son intérêt comme l’intérêt commun de tous les membres de la société ou, pour exprimer les choses sur le plan des idées : Cette classe est obligée de donner à ses pensées la forme de l’universalité, de les représenter comme étant les seules raisonnables, les seules universellement valables. Du simple fait qu’elle affronte une classe, la classe révolutionnaire se présente d’emblée non pas comme classe, mais comme représentant la société tout entière, elle apparaît comme la masse entière de la société en face de la seule classe dominante.